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Bruno Moinard : l’élégance intemporelle

5 août 2025
16 Mins
Peintures de Bruno Moinard

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Ce por­trait écrit par Damien Pac­cel­lie­ri est paru dans l’ou­vrage LUXE — Métiers & Savoir-faire

Au cœur du quar­tier ger­ma­no­pra­tin de la capi­tale fran­çaise, et à quelques pas de l’un des hauts lieux de la gour­man­dise où se bous­culent les tou­ristes venus du monde entier, se niche une cita­delle de l’épure, un bas­tion de l’élégance, un kaléi­do­scope de l’exception à la fran­çaise : la gale­rie Bru­no Moi­nard Édi­tions.

Cer­clé de verre et de lumière, de fer et de béton à l’état brut, cet écrin d’esthète est une invi­ta­tion per­ma­nente à décou­vrir les créa­tions et les ins­pi­ra­tions fer­tiles du maître des lieux. Le nom de ce der­nier est deve­nu, au fil d’une vie dédiée à de miri­fiques pro­jets d’architecture inté­rieure, le syno­nyme d’un raf­fi­ne­ment et de lignes fluentes dont il est le seul à avoir le secret.

Ces qua­li­tés pren­draient-elles leurs sources dans son enfance ? En par­tie, cer­tai­ne­ment. Fas­ci­né par le des­sin dès son plus jeune âge, il se fabri­que­ra un ima­gi­naire au cours de ces frêles années dans l’atelier de son grand-père et de son père, tapis­siers. Il y découvre l’entremêlement des cou­leurs et le dur labeur, un ter­rain de jeu pro­pice à son déve­lop­pe­ment artis­tique et à une cer­taine notion d’exigence. Son lieu de nais­sance, Dieppe, tout comme sa région, la Nor­man­die, ses plages de galets, l’écaille de ses falaises crayeuses, ses embruns salés, les estrans du lit­to­ral, le petri­chor mélan­co­lique, les pêcheurs à la coquille et leurs modestes embar­ca­tions, le bra­sille­ment de la mer, ses illustres peintres tels Georges Braque et Claude Monet, ont été, telles les suc­ces­sives étapes d’une sédi­men­ta­tion, les forges d’un esprit créa­tif et vision­naire. À quinze ans seule­ment, l’adolescent quitte le cocon fami­lial pour rejoindre la capi­tale où il est reçu à l’École Natio­nale Supé­rieure des Arts Appli­qués (ENSAAMA). Il vivra dans un foyer catho­lique, rue de Lour­mel, avant de pou­voir prendre une chambre de bonne dans le XVIe arron­dis­se­ment de la Ville Lumière. Ses talents, le crayon et le fusain à la main, seront salués par l’obtention de son sta­tut de major de pro­mo­tion et lui per­met­tront d’être repé­ré par Hubert Cor­mier qui lui met­tra alors le pied à l’étrier en le fai­sant par­ti­ci­per au pro­jet de réno­va­tion des cui­sines des frères Trois­gros.

Potrait de Bruno Moinard© Bru­no Moi­nard Édi­tions
Bru­no Moi­nard

Il ne le sait pas encore, mais, en 1979, une ren­contre va chan­ger son des­tin. Par l’entremise de Louis Ber­cut, Bru­no Moi­nard est envoyé faire ses armes quelques jours au sein de l’agence Ecart, chez Andrée Put­man. Celle-ci, peu diserte dans un pre­mier temps, lui demande alors de cro­quer l’un de ses pro­jets. La pres­sion est si forte et à la fois si exal­tante qu’il ima­gine ses ful­gu­rances ratées et s’attend à rece­voir une pluie de cri­tiques acerbes de l’inclassable créa­trice d’intérieur. Face à celle qui aime le beau et l’utile, mais sur­tout le beau dans l’utile, le jeune aspi­rant retient son souffle. Sou­dai­ne­ment, quelques mots bien­veillants sortent de sa bouche. L’instant est sacré, la joie est immense, la pres­sion oubliée : c’est la nais­sance d’une com­pli­ci­té pro­fes­sion­nelle qui dure­ra seize années. Andrée Put­man lui don­ne­ra ce qu’il appel­le­ra ses pre­mières « feuilles blanches », en somme, ses pre­mières occa­sions de s’exprimer dans un uni­vers mini­ma­liste dans son ensemble et pro­di­gieux dans ses détails.

À ses côtés, Bru­no Moi­nard ren­con­tre­ra tous les esprits les plus avant-gar­distes de leur époque : Yves Saint Laurent, Gérard Garouste, Andy Warhol, Karl Lager­feld, Jean-Paul Goude, Mar­gue­rite Your­ce­nar et bien d’autres encore… dont un jeune talent, comme lui, Phi­lippe Starck, avec lequel il réa­li­se­ra plus tard l’appartement du pré­sident de la Répu­blique, Fran­çois Mit­ter­rand.

Esquisse intérieur Cartier Milan - Bruno Moinard© Bru­no Moi­nard
Esquisse d’un inté­rieur de bou­tique Car­tier à Milan

Cette époque, faite d’émulsion créa­tive, chan­ge­ra son regard sur le monde et lui don­ne­ra l’occasion d’explorer tous les champs du pos­sible alors qu’il n’est encore qu’au début de sa car­rière. Les pro­jets ne cessent d’affluer : le Musée d’art contem­po­rain de Bor­deaux, l’intérieur de l’avion Concorde ou bien encore l’hôtel Mor­gans à New-York. Cer­taines de ses ren­contres de jadis devien­dront ses clients, comme Karl Lager­feld pour lequel il habille­ra les stu­dios Chloé et Cha­nel ain­si que ses appar­te­ments de Mona­co, Rome et celui de la rue de Rivo­li. Quelque soit le pro­jet, Bru­no Moi­nard est un pro­lon­ge­ment de l’essence inven­tive d’Andrée Put­man.

Nous nous connais­sions si bien que par­fois nous n’avions même pas besoin de nous par­ler des contours d’un pro­jet. Les des­sins et les idées que je lui pro­po­sais étaient en totale adé­qua­tion avec sa ligne direc­trice ; ce fut une rela­tion de tra­vail avec un sens de l’inné tout à fait excep­tion­nel.

C’était une époque où le faste pou­vait s’exposer aux yeux de tous alors que de nos jours les opu­lentes déco­ra­tions d’intérieur se veulent tou­jours plus dis­crètes, comme si notre XXIe siècle avait ban­ni l’orgueil du majes­tueux. Bru­no Moi­nard aura aus­si l’occasion de tra­vailler auprès de Thier­ry Mugler, Azze­dine Alaïa, Jean-Charles de Cas­tel­ba­jac, et toute la fine fleur de la haute cou­ture. Auprès d’eux, il appren­dra l’exercice dif­fi­cile de la diplo­ma­tie et le mana­ge­ment de pro­jets sin­gu­liers, tant il est fort peu aisé d’apporter de la beau­té à ceux qui en sont les prin­ci­paux acteurs.

Il pour­ra éga­le­ment comp­ter sur d’autres pour viser l’excellence comme ce fut le cas avec les hommes et femmes poli­tiques tels Jack Lang, Pierre Béré­go­voy, ou bien encore dans le cadre de la biblio­thèque de Fran­çois Mit­ter­rand et de la chambre ély­séenne de Danielle Mit­ter­rand. Ces seize années, peu à peu, vont don­ner à Bru­no Moi­nard l’envie de suivre sa propre voie et de sor­tir de l’ombre pro­je­tée par André Put­man. Lorsqu’il quitte l’agence Ecart, c’est l’esprit libre qu’il com­prend désor­mais que tout est à faire, que cela lui pren­dra du temps. Du moins le pense-t-il… car dès la nou­velle répan­due de son départ, à savoir le jour même de sa prise d’indépendance, le télé­phone se met à son­ner. Ce sont alors des pro­jets pri­vés, et plus par­ti­cu­liè­re­ment l’hôtel par­ti­cu­lier d’Azzedine Alaïa, qui le mettent en selle.

Je n’avais pas encore eu le temps de pen­ser sérieu­se­ment à la façon dont j’allais m’installer ni à recru­ter une équipe, que le tra­vail venait à moi sans que je sois à sa pour­suite ! Ces pre­miers clients m’ont éga­le­ment per­mis de culti­ver mon style. J’étais alors encore habi­tué à faire du Put­man et j’ai dû me déta­cher de cela pour m’imposer et expri­mer mes goûts, mes choix. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile lorsqu’on se lance, mais c’est ce qui vous per­met de trou­ver votre voie, un pres­sen­ti­ment inex­pli­cable qui vous indique le che­min à suivre.

Il res­te­ra deux ans en indé­pen­dant tant les pro­jets ne lui lais­se­ront guère de temps pour se struc­tu­rer avant de créer son agence où, presque immé­dia­te­ment, des mai­sons répu­tées telles que Car­tier et de grandes per­son­na­li­tés comme Fran­çois Pinault devien­dront ses clients.

Ne croyez pas que décro­cher de tels clients, de tels pro­jets, se fasse par l’entregent ou par un simple cla­que­ment de doigts. Au contraire, c’est une com­pé­ti­tion achar­née entre dif­fé­rentes agences et archi­tectes qui pro­posent cha­cun leurs pro­jets. L’arbitrage se fait à la fois sur des choix de pas­sion, mais aus­si de rai­son, notam­ment dans le luxe où l’on pour­rait pen­ser faci­le­ment que les bud­gets alloués sont illi­mi­tés alors qu’ils sont les plus affi­nés et prag­ma­tiques pos­sibles. On doit être en mesure de pro­po­ser une iden­ti­té qui vous est propre, qui sied à l’interlocuteur, tout en étant une source inépui­sable de pro­po­si­tions… et fiez-vous à moi si je vous dis qu’il faut être une source inta­ris­sable !

Pour illus­trer son pro­pos, Bru­no Moi­nard montre l’exemple d’une mai­son pour laquelle il y a eu dix pro­jets dédiés au salon, quinze pour la salle de bain et quinze autres pour la cui­sine. Il faut donc se parer d’une éner­gie débor­dante… sans comp­ter les allers-retours avec les équipes en charge du pro­jet qui vont échan­ger entre elles, pour par­fois se ravi­ser ou expo­ser des injonc­tions contra­dic­toires d’une séance de dis­cus­sion à l’autre. Si par le pas­sé la chaîne de déci­sion était assez simple, elle est aujourd’hui, à l’aune du mar­ke­ting et des besoins de com­mu­ni­ca­tion, bien plus stra­ti­fiée. Lorsque Car­tier le contac­ta pour revoir la scé­no­gra­phie et la déco­ra­tion inté­rieure de ses bou­tiques, Bru­no Moi­nard dut ain­si tenir compte des carac­té­ris­tiques « du roi des joailliers et du joaillier des rois » tout en lui appor­tant une empreinte nou­velle. Ou la conti­nui­té sans la répé­ti­tion.

Et pour rele­ver ce chal­lenge, il réflé­chit à faire des bou­tiques de style mai­son, une idée alors nova­trice dans le sec­teur du luxe où l’on avait une cer­taine ten­dance à vou­loir tout homo­gé­néi­ser afin que les mêmes codes se répètent et que le client vive la même expé­rience où qu’il soit dans le monde. Bru­no Moi­nard a su décryp­ter et anti­ci­per tout ce que la glo­ba­li­sa­tion et la mon­dia­li­sa­tion allaient engen­drer : des centres-villes iden­tiques, aux mêmes enseignes. Et c’est pour­quoi il s’est ins­crit avec l’idée de bou­tique de style mai­son, à l’exact oppo­sé de cette forme de mono­to­nie, à la fois proche de la sym­bo­lique de la marque à la pan­thère, mais avec ce zeste de dif­fé­rence ins­pi­ré par la culture et l’architecture du pays hôte.

Ain­si les portes des bou­tiques ne sont pas situées dans l’axe, mais sur le côté telle la porte déro­bée d’un hôtel par­ti­cu­lier. L’objectif étant de créer une inti­mi­té, une approche très per­son­nelle qui met en valeur le client en le fai­sant par­cou­rir un dédale, du ves­ti­bule au salon, du cor­ri­dor à la librai­rie… jusqu’au salon VIP. Vingt ans plus tard, cette idée a fait flo­rès par­tout ailleurs et Car­tier conti­nue de tra­vailler avec Bru­no Moi­nard et de le chal­len­ger.

Si nous conti­nuons de tra­vailler avec Car­tier et que j’ai pu côtoyer l’ensemble de ses dif­fé­rents direc­teurs, de ses équipes, depuis de nom­breuses années, ce n’est pas par habi­tude ou par pri­vi­lège, c’est parce que nous sommes bons, car nous sommes constam­ment mis en concur­rence avec d’autres agences. Il n’y a pas d’acquis qui vaille, il n’y a que des conquêtes à faire et nous sommes heu­reux d’avoir pu tra­vailler sur plus de 450 bou­tiques, telles que celles de Londres, de la rue de la Paix à Paris, de Milan ou de Genève.

Les pra­tiques ont bien évi­dem­ment chan­gé entre ses débuts en indé­pen­dant et aujourd’hui avec l’agence Moi­nard — Betaille où, Claire Bétaille, tra­vaillant depuis plus d’une dizaine d’années avec Bru­no Moi­nard, est deve­nue direc­trice asso­ciée de ladite struc­ture comp­tant envi­ron 45 col­la­bo­ra­teurs.

Aupa­ra­vant, on nous deman­dait des cro­quis à la main, désor­mais ce sont des pers­pec­tives 3D pour les­quelles j’ai une équipe dédiée. Le monde actuel se veut ultra­dé­taillé, ce qui entraîne une place moindre à l’imaginaire. Tout a besoin d’être noti­fié, pré­ci­sé, annon­cé. On a, à mon sens, besoin de recou­vrir cet ima­gi­naire, d’échanger à bâtons rom­pus loin de toute nomen­cla­ture et d’avoir, en un sens, une meilleure emprise de nos émo­tions.

Ensemble signé par Bruno Moinard Éditions© Bru­no Moi­nard Édi­tions
Agen­ce­ment de mobi­liers et pein­tures de Bru­no Moi­nard.

C’est jus­te­ment ce besoin d’émotion qu’il a sou­hai­té par­ta­ger avec l’édition de mobi­lier. Bru­no Moi­nard était déjà rom­pu à la créa­tion et à la pro­duc­tion de meubles au sein de l’agence Ecart, où l’on créait des pièces sur mesures et où l’on réédi­tait éga­le­ment cer­taines pièces ico­niques.
L’architecte avait d’ores et déjà un regard éten­du sur l’ensemble de la chaîne de concep­tion, de fabri­ca­tion, et de com­mer­cia­li­sa­tion dudit mobi­lier.

Lors de ses propres pro­jets, il arri­vait régu­liè­re­ment que ses clients lui demandent spon­ta­né­ment ses conseils sur le choix du mobi­lier… jusqu’à l’édition de pièces uniques. Ce fut le cas pour un pro­jet au Cana­da, dont la durée mathu­sa­le­mienne de sept ans lui don­na l’occasion de déve­lop­per des pro­to­types de mobi­liers qui seront, plus tard, la source de sa pre­mière col­lec­tion. Les exi­gences de ce client si par­ti­cu­lier, les avis évo­luant au gré du chan­tier, furent une mise à l’épreuve avec des modi­fi­ca­tions régu­lières sur le mobi­lier qui devait être repen­sé, par­fois dépla­cé dans une autre pièce, voire tout sim­ple­ment annu­lé.

Le sur-mesure est la meilleure école qu’on puisse avoir. Elle vous met face à une équa­tion com­plexe où l’agenda, les envies du client, cer­taines contraintes et des évé­ne­ments sou­dains vous bous­culent en per­ma­nence.

C’est éga­le­ment cette équa­tion, avec par­fois cette déli­cieuse légè­re­té de pas­ser outre cer­tains para­mètres éta­blis par le client, qui per­mettent à Bru­no Moi­nard de se sur­pas­ser. Mais on vit aujourd’hui dans une époque où l’on veut tout, tout de suite, et le besoin immé­diat de satis­fac­tion du client, à la vue du cro­quis d’un pro­to­type, est par­fois dif­fi­ci­le­ment exau­çable. En effet, sur cer­taines pièces de mobi­lier, une matu­ra­tion, un délai incom­pres­sible de pro­duc­tion sont néces­saires. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’un cana­pé sur lequel le client et son épouse, de cor­pu­lences dif­fé­rentes, sou­haitent être assis au même niveau. Il faut alors pra­ti­quer de nom­breux essais avec les maté­riaux, leur géo­mé­trie, le rem­bour­rage, et une mul­ti­tude d’autres para­mètres qui requièrent une grande ingé­nio­si­té.

 C’est le type de pro­jet où l’on apprend beau­coup sur son tra­vail et même sur soi. J’y ai com­pris que j’avais besoin de liber­té pour créer de l’exceptionnel.

Buffer Genoa - Bruno Moinard Éditions© Bru­no Moi­nard Édi­tions
Buf­fet Genoa

Et pour la culti­ver, Bru­no Moi­nard se décide à s’entourer d’une équipe exclu­si­ve­ment consa­crée au mobi­lier. Les rela­tions seront, hélas, loin d’être sym­bio­tiques. Lui-même, très pris par de nom­breux pro­jets, ne pour­ra se consa­crer davan­tage à elle. Ces aléas dure­ront près de deux années jusqu’à ce qu’il ren­contre les col­la­bo­ra­teurs idoines avec les­quels il conti­nue de tra­vailler.

Ils ont été la pierre qui man­quait à l’édifice et, grâce à leurs com­pé­tences, j’ai entre­vu la pos­si­bi­li­té de lan­cer enfin ma mai­son d’édition de mobi­lier.

Dès lors, tout s’enchaîne avec, en pre­mier lieu, la créa­tion d’une pre­mière col­lec­tion de qua­rante meubles, pré­sen­tés au Paris Déco Off où se retrouve la crème de la crème des créa­teurs de mobi­lier. Nom­breux furent ses contem­po­rains à jabo­ter sur le fait que ce der­nier se lan­çait dans le mobi­lier, quand d’autres lui décon­seillaient de le faire, car c’est un uni­vers où l’on risque de prendre des coups et d’écorner sa noto­rié­té plus qu’autre chose.

 Je savais qu’on m’attendait au tour­nant, mais si l’on veut pro­gres­ser, réa­li­ser ses rêves, il faut savoir prendre des risques et n’écouter que sa conscience.

Ses clients, tout comme les visi­teurs de l’événement, affluèrent autour de ses créa­tions. Fina­le­ment, les jabo­teurs furent sur­pris de cette nou­velle corde à son arc et les autres finirent admi­ra­tifs devant le mobi­lier pré­sen­té. Néan­moins, ils eurent tous un point com­mun : vou­loir visi­ter son sho­wroom. Pro­blème : il n’y avait pas de sho­wroom !
Et pour s’installer dura­ble­ment dans le pay­sage, il était abso­lu­ment indis­pen­sable de s’établir pen­dant que le fer de la curio­si­té était encore chaud.
Bru­no Moi­nard télé­pho­na ici et là jusqu’à ce qu’une amie lui pro­pose de lui louer une gale­rie pro­mise à un autre, à l’angle de la rue Jacob et de la rue Saint-Benoît, à Paris.

La signa­ture n’était pas encore appo­sée sur le contrat m’avait-elle dit. Je lui ai alors confir­mé que je vien­drais le signer le len­de­main et qu’elle aurait à annu­ler le pre­mier.

Ain­si, le des­tin joue par­fois du jour au len­de­main ! Ni une, ni deux, son amie annu­la le pré­con­trat avec le pré­cé­dent inté­res­sé et signa avec l’architecte. Il vit cela comme un abou­tis­se­ment, une bonne étoile pour veiller sur Bru­no Moi­nard Édi­tions.

Depuis quelques années, mon nom s’était effa­cé au pro­fit de l’agence et la noto­rié­té que j’avais acquise s’y diluait. Je vou­lais que mon nom appa­raisse ici et qu’il soit un gage de qua­li­té, un enga­ge­ment de ma part.

Le voi­là donc les clés de la gale­rie en main. Dès les portes entrou­vertes, Bru­no Moi­nard ima­gi­na une scé­no­gra­phie et une déco­ra­tion inté­rieure.

J’avais même l’idée de faire un sol en étain ; mais une fois le ragréage fait, j’ai vu dans le béton brut et lisse une meilleure approche de ce que je sou­hai­tais pour mettre en valeur notre mobi­lier.

Canapé Nashville - Bruno Moinard Éditions© Bru­no Moi­nard Édi­tions
Cana­pé Nash­ville

Il vou­lait de fait gar­der l’esprit d’une gale­rie impar­faite, tou­jours en cours d’évolution, oxy­gé­née par ses baies vitrées géantes, dans une confi­gu­ra­tion bis­trot, ren­for­cée par ses poutres métal­liques noires de jais, mêlant le struc­tu­rel à l’épure. De plus, l’équipe à la tête de la gale­rie insuffle à ce lieu l’énergie des dif­fé­rentes col­lec­tions où les créa­tions semblent se répondre et se com­plé­ter. Leurs forces sont d’être à la fois mini­ma­listes, dans le sens où le sublime se dévoile dans les détails, et d’une pra­ti­ci­té unique, sou­li­gnée par les lignes, les tra­jec­toires issues de la main et de l’esprit d’un artiste.

Pour obser­ver cela, il est hau­te­ment conseillé de s’asseoir à la table Dinant, héraut du style Bru­no Moi­nard. La matière, émi­nem­ment impor­tante dans la réflexion du créa­teur, conjugue le bois et le métal, et plus pré­ci­sé­ment, le chêne, l’érable avec de franches incrus­ta­tions de lai­ton. Aus­si bien la tex­ture du bois, qui s’offre au tou­cher, que les inserts en lai­ton sont de nature à don­ner une angu­lo­si­té et un sens de la symé­trie des plus sin­gu­liers. Jamais le métal et le bois ne se seront vus aus­si amants et amou­reux. Mais ce qu’il y a de plus fas­ci­nant dans le mobi­lier de Bru­no Moi­nard c’est son rap­port à la lumière qui peut être luci­fuge, spé­cu­laire ou jouer de ses ombres ves­pé­rales pour esquis­ser des formes abs­traites.

Bru­no Moi­nard a été récom­pen­sé : le suc­cès a été au ren­dez-vous si rapi­de­ment qu’il lui a fal­lu déve­lop­per la dis­tri­bu­tion de ses meubles aux quatre coins de la pla­nète, dont Dubaï et une dizaine d’espaces mul­ti­marques. La pro­chaine étape : déve­lop­per des points de vente en son nom propre afin d’assortir son mobi­lier à son uni­vers. En atten­dant, Bru­no Moi­nard des­sine ses pro­chaines col­lec­tions pour la gale­rie (et il peint même, l’une de ses pas­sions avec l’automobile vin­tage), col­la­bore avec de grandes Mai­sons du mobi­lier à l’occasion de col­lec­tions limi­tées, et conti­nue son che­min de vie, tou­jours plus créa­tif et fidèle à son trait.

Une leçon d’élégance intem­po­relle.

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