Sculpture

Quand la sculpture casse les prix

13 août 2025
9 Mins
Bouquet de tulipes de Jeff Koons à Paris

Dans le monde feu­tré des gale­ries d’art et des salles de vente aux enchères, cer­taines œuvres ne se contentent pas d’être belles ou révo­lu­tion­naires ; elles atteignent des som­mets finan­ciers ver­ti­gi­neux, défiant l’i­ma­gi­na­tion. Si la pein­ture acca­pare sou­vent les gros titres avec ses records mon­diaux, la sculp­ture, elle, n’est pas en reste. Formes abs­traites, figures élan­cées, icônes pop auda­cieuses ou ves­tiges d’une anti­qui­té loin­taine : ces créa­tions tri­di­men­sion­nelles cap­tivent col­lec­tion­neurs et inves­tis­seurs en quête d’un tré­sor ines­ti­mable.

Mais quelles sont ces pièces d’ex­cep­tion qui ont fait flam­ber les enchères ? Quelles his­toires se cachent der­rière ces chiffres qui donnent le tour­nis ? Voi­ci le Top 10 des sculp­tures les plus chères jamais ven­dues.

n°10
Tête de Femme (Dora Maar)  Pablo Picasso

Cette sculp­ture repré­sente Hen­riette Theo­do­ra Mar­ko­vitch, plus connue sous le nom de Dora Maar (1907–1997). Elle fut une pho­to­graphe sur­réa­liste de talent, peintre, poète… mais éga­le­ment l’une des maî­tresses et muses les plus impor­tantes de Picas­so pen­dant une décen­nie, de 1936 à 1946. Leur rela­tion était pas­sion­née, intense et sou­vent tumul­tueuse, mar­quée par les ten­sions de la Seconde Guerre mon­diale et l’é­vo­lu­tion per­son­nelle et artis­tique des deux figures. La Tête de Femme (Dora Maar) est un exemple par­fait de la capa­ci­té de Picas­so à uti­li­ser la dis­tor­sion et la frag­men­ta­tion (héri­tées du cubisme) non pas pour une simple expé­ri­men­ta­tion for­melle, mais pour expri­mer un état inté­rieur, une psy­ché tour­men­tée. Les traits sont recon­nais­sables mais remo­de­lés, reflé­tant la dua­li­té et la souf­france.

Dora Maar par Picasso© Suc­ces­sion Picas­so

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À votre avis ?
29,1 mil­lions de dol­lars (en 2007)

n°9
Tulips Jeff Koons

Les Tulips font par­tie de la série des Cele­bra­tion de Jeff Koons, qui com­prend éga­le­ment ses célèbres Bal­loon Dogs. Comme beau­coup de ses œuvres, elles imitent l’ap­pa­rence de tulipes gon­flables, mais sont en réa­li­té fabri­quées en acier inoxy­dable lourd et poli avec une pré­ci­sion indus­trielle. Les pre­mières ver­sions de Tulips remontent aux années 1990 (1995–2004). Le Bou­quet of Tulips pour Paris a été conçu après les atten­tats de 2015.

Jeff Koon Tulips© Chris­tie’s

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Offrez-lui des fleurs 🙂
33,6 mil­lions de dol­lars (en 2012)

n°8
Jim Beam – J.B. Turner Train Jeff Koons

Que ferait-on sans Jeff Koons ? Il ne s’a­git ici pas du superbe train de la série Ricky où la belle vie mais plu­tôt d’un décan­teur de bour­bon Jim Beam en forme de train, fait de por­ce­laine et de plas­tique à l’é­poque, que l’ar­tiste décou­vrit dans la vitrine d’un maga­sin d’al­cool à New York et qu’il repro­dui­sit à sa manière. Jeff Koons a vou­lu trans­for­mer cet objet de col­lec­tion popu­laire et « pro­lé­ta­rien » en une œuvre d’art luxueuse et durable, en le refon­dant en acier inoxy­dable poli. L’in­clu­sion du bour­bon à l’in­té­rieur de chaque wagon est cru­ciale pour l’œuvre. D’ailleurs il s’a­git de bour­bon Jim Beam. Koons a contac­té la com­pa­gnie pour qu’elle rem­plisse les wagons et appose le timbre fis­cal. Le train est la pièce maî­tresse de sa série Luxu­ry and Degra­da­tion. À tra­vers cette série, Koons explo­rait com­ment le luxe et la publi­ci­té peuvent à la fois séduire et poten­tiel­le­ment « dégra­der » les indi­vi­dus (dont ici la dépen­dance à l’al­cool est un paral­lèle qu’il fait avec cette dégra­da­tion de la socié­té).

JB Turner Train par Jeff Koons© Jeff Koons

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C’est plus !
33,7 mil­lions de dol­lars (en 2021)

n°7
Hurting the Giant (Bleeding Stone) Louise Bourgeois

Les sculp­tures d’a­rai­gnées de Louise Bour­geois sont sans doute ses œuvres les plus emblé­ma­tiques et les plus recon­nais­sables, et elles sont char­gées de signi­fi­ca­tions per­son­nelles et sym­bo­liques pro­fondes. Elles ont cap­ti­vé l’i­ma­gi­na­tion du public et sont deve­nues des icônes de l’art contem­po­rain. La plus célèbre reste cer­tai­ne­ment Maman. Elles ont com­men­cé à appa­raître dans son œuvre dans les années 1990, alors qu’elle était déjà une artiste âgée (1911–2010). Elles sont sou­vent mas­sives, cer­taines attei­gnant plus de 9 mètres de hau­teur ; celle-ci étant d’une hau­teur de 3 mètres.

Louis Bourgeois - Araignée© Sothe­by’s

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de cette extra­or­di­naire arai­gnée
envi­ron 40 mil­lions de dol­lars (en 2023)

n°6
Nu de dos, 4 états (relief n°IV) Henri Matisse

C’est l’une des séries sculp­tées les plus ambi­tieuses et les plus longues de Matisse. Il a com­men­cé le pre­mier Nu de dos en 1909 et n’a ter­mi­né le qua­trième qu’en 1930, soit plus de deux décen­nies de tra­vail inter­mit­tent. Cette durée excep­tion­nelle montre à quel point ce pro­jet était cen­tral pour ses explo­ra­tions artis­tiques, même si la sculp­ture res­tait pour lui un domaine secon­daire par rap­port à la pein­ture.
Elle est est contem­po­raine de cer­taines de ses pein­tures les plus impor­tantes, comme La Danse et La Musique. On peut y voir les échos des pré­oc­cu­pa­tions de Matisse concer­nant la sim­pli­fi­ca­tion, le rythme et l’é­qui­libre des formes dans ces deux médiums.

Sculpture de Matisse© Suc­ces­sion H. Matisse

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Alors, alors ?
48,8 mil­lions de dol­lars (en 2010)

n°5
Grande tête mince Alberto Giacometti

La Grande tête mince est une illus­tra­tion par­faite de la manière dont Alber­to Gia­co­met­ti per­ce­vait le monde. Il ne cher­chait pas à repro­duire fidè­le­ment ce qu’il voyait, mais plu­tôt la « vision immé­diate et affec­tive » des choses. Comme il le disait : « Quand un per­son­nage est vu de près, on le regarde de bas en haut et de haut en bas, sans pou­voir tenir compte de sa lar­geur. » Ceci explique l’al­lon­ge­ment extrême des formes.

Grande tête mince - Giacometti© Sothe­by’s

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On passe un palier !
53,3 mil­lions de dol­lars (en 2013)

n°4
Lionne de Guennol

Il s’a­git là d’une petite sculp­ture antique (à peine 8cm de hau­teur), dont la date de créa­tion se situe envi­ron entre 3000 et 2800 av. J.-C. (Pro­to-Éla­mite, Méso­po­ta­mie). Cela la place à une époque clé de l’his­toire humaine, contem­po­raine de l’in­ven­tion de la roue, du déve­lop­pe­ment de l’é­cri­ture cunéi­forme et de l’é­mer­gence des pre­mières cités. Le maté­riau uti­li­sé est du cal­caire cris­tal­lin ou magné­site.
On pense qu’elle a été trou­vée près de Bag­dad, en Irak, mais les détails pré­cis de sa décou­verte sont incon­nus. La sculp­ture repré­sente une figure anthro­po­mor­phique, mi-humaine mi-lionne. Elle est debout, mus­cu­leuse, avec un corps aux courbes fémi­nines et une tête de lionne détaillée et expres­sive. Ses pattes sont jointes sur son abdo­men. Elle dégage une impres­sion de force et de détermination.Il s’a­gi­rait de l’un des der­niers chefs-d’œuvre connus de l’aube de la civi­li­sa­tion encore dans les mains d’un col­lec­tion­neur pri­vée..

Guennol Lioness© DP

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de cette anti­qui­té
57,2 mil­lions de dol­lars (en 2007)

n°3
The Rabbit Jeff Koons

Il existe une série de trois sculp­tures Rab­bit iden­tiques, plus une épreuve d’ar­tiste. Rab­bit fait par­tie d’une série d’œuvres de Jeff Koons des années 1980 qui explorent l’i­dée du « kitsch » et du « prêt-à-por­ter » trans­for­més en objets d’art de luxe. Cette série inter­roge les notions de goût (CQFD), de valeur et de sta­tut social. L’ar­tiste reprend ici une tra­di­tion ini­tiée par Mar­cel Duchamp avec ses « rea­dy-made », mais il va plus loin en trans­for­mant l’ob­jet banal avec un maté­riau plus spec­ta­cu­laire (acier inoxy­dable poli). En effet, la sur­face miroi­tante du Rab­bit est une carac­té­ris­tique clé de l’œuvre. Elle invite le spec­ta­teur à se reflé­ter dans l’œuvre, le ren­dant ain­si par­tie inté­grante de la sculp­ture. Jeff Koons parle de « l’af­fir­ma­tion du spec­ta­teur ». Le lapin gon­flable évoque l’en­fance, l’in­no­cence et la fan­tai­sie. Cepen­dant, la froi­deur et la dure­té de l’a­cier inoxy­dable, com­bi­nées à l’ab­sence de traits faciaux et l’ap­pa­rence « défla­tion­née » (mal­gré l’illu­sion d’être gon­flé), confèrent au Rab­bit une qua­li­té énig­ma­tique, voire légè­re­ment mena­çante ou vide. Il peut être per­çu comme ludique et joyeux, mais aus­si comme creux et arti­fi­ciel.

Jeff Koons - Rabbit© Jeff Koons

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Quoi de neuf doc­teur 🥕 ?
91,1 mil­lions de dol­lars (en 2019)

n°2
L’Homme qui marche Ier Alberto Giacometti

C’est l’une des sculp­tures les plus emblé­ma­tiques du 20e siècle, une figure fili­forme et soli­taire qui incarne la condi­tion humaine et les inter­ro­ga­tions exis­ten­tielles de l’a­près-guerre. Date de concep­tion : 1960. Maté­riau : Bronze. Il fait par­tie d’une série de plu­sieurs Hommes qui marchent et est sou­vent consi­dé­ré comme l’a­po­gée de la recherche de Gia­co­met­ti sur la figure humaine en mou­ve­ment. Avec une dimen­sion d’en­vi­ron 180,5 cm de hau­teur, sa taille réelle le rend d’au­tant plus impo­sant mal­gré sa mai­greur.
La sculp­ture a été conçue à l’o­ri­gine pour un pro­jet de com­mande publique pour la Chase Man­hat­tan Pla­za à New York, qui n’a fina­le­ment pas été réa­li­sé. L’i­dée était de créer un groupe de figures humaines mar­chant dans un espace urbain.
Cette créa­tion est sou­vent vu comme une méta­phore puis­sante de la condi­tion humaine après les hor­reurs des deux guerres mon­diales. Déchar­née, elle sym­bo­lise la fra­gi­li­té, la soli­tude et la rési­lience de l’in­di­vi­du face à l’ab­sur­di­té de l’exis­tence. L’homme est en marche, un pas en avant, les bras le long du corps ou légè­re­ment déca­lés. Ce mou­ve­ment est à la fois déter­mi­né et infi­ni, sans des­ti­na­tion finale appa­rente. Il incarne l’i­dée d’un voyage constant, d’une quête inces­sante. Aus­si, il n’a ni âge, ni vête­ment, ni attri­buts spé­ci­fiques qui l’an­cre­raient dans une époque ou une iden­ti­té par­ti­cu­lière. Il est « l’Homme » avec un grand H, sym­bo­li­sant l’hu­ma­ni­té toute entière.

A. Giacometti© Suc­ces­sion Gia­co­met­ti

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excep­tion­nel ici
104,3 mil­lions de dol­lars (en 2010)

n°1
L’Homme qui pointe du doigt Alberto Giacometti

Le 11 mai 2015, l’un des exem­plaires de L’Homme qui pointe du doigt devient la sculp­ture la plus chère jamais ven­due aux enchères et l’œuvre d’art la plus chère jamais ven­due aux enchères (record qui a depuis été dépas­sé par des  Selon une anec­dote célèbre racon­tée par Gia­co­met­ti lui-même, il aurait créé cette sculp­ture en une seule nuit. Il aurait tra­vaillé fré­né­ti­que­ment pour la ter­mi­ner à temps pour son expo­si­tion de 1948 à la gale­rie Pierre Matisse, après avoir détruit ou rema­nié de nom­breuses autres pièces. La période d’a­près-guerre a pro­fon­dé­ment mar­qué Gia­co­met­ti. Il a vécu l’Oc­cu­pa­tion à Paris et la Libé­ra­tion. Ses figures maigres et soli­taires sont sou­vent vues comme une réponse directe à la dévas­ta­tion et à l’a­lié­na­tion res­sen­ties après les conflits mon­diaux. L’Homme qui pointe du doigt est une médi­ta­tion sur la fra­gi­li­té de l’exis­tence. Gia­co­met­ti était un ami proche du phi­lo­sophe exis­ten­tia­liste Jean-Paul Sartre, qui a écrit des textes impor­tants sur son œuvre, notam­ment La recherche de l’ab­so­lu. Sartre a vu dans les figures de Gia­co­met­ti une incar­na­tion de ses propres théo­ries sur la liber­té, l’an­goisse et la soli­tude de l’être humain.

A. Giacometti© A. Gia­co­met­ti

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stra­to­sphé­rique
141,3 mil­lions de dol­lars (en 2015)